L’IM-POSTEUR PROFESSIONNEL
Transmettre les bonnes pratiques professionnelles est souvent une bonne méthode pédagogique. Mais échanger sur les plus mauvaises peut s’avérer très… efficace ! Voici ce que je vous propose ici, étant très sensible des questions de postures professionnelles.
Aujourd’hui, vous êtes un professionnel et vos pratiques sont clairement influencées par vos anciens collègues ou supérieurs ? Vous êtes parfaitement normal : votre posture professionnelle est en effet imprégnée de vos expériences passées, qu’elles aient été positives ou négatives.
En effet, combien de fois avez-vous décidé de prendre une posture par opposition à ce que vous avez vécu ? Vous avez sûrement dans votre vie, et plus spécifiquement ici dans votre carrière, pensé : « Quand je serai à sa place, je ferai tout autrement« .
On apprend de ceux à qui on veut ressembler et encore plus de ceux dont on souhaite être au plus éloigné !
Je me souviens d’un pot de départ où j’ai remercié mon supérieur hiérarchique. Je lui ai dit que je souhaitais devenir dans mon prochain poste le manager qu’il avait été pour moi, qu’il arborait la posture managériale que je souhaitais avoir. Je n’ai malheureusement pas pu le dire de tous… Au contraire, les autres m’ont inspiré beaucoup de sentiments parfaitement opposés, en m’apprenant ce qu’il ne faut surtout pas faire !
Alors selon vous, qu’est ce que l’im-posture professionnelle ?
Et surtout ceux et celles qui en sont coupables ! Ils ont tout ou partie de ces caractéristiques :
- l’imposteur est celui qui ne détient pas les qualités attendues à ce poste et se comporte comme s’il était le spécialiste tout terrain
- il fait souvent l’illusion, en tous cas au début (nous dirons qu’il a alors le bénéfice du doute à son arrivée et surtout qu’un incompétent n’a pas pu être recruté…)
- il n’a pas les compétences et attitudes requises au poste (ne sait pas de quoi il parle et encore moins se présenter aux autres). Souvent, il n’admet jamais ses torts et rétorque : « oui je le savais, j’avais pas compris comme ça »
- il peut être parfaitement imbus de sa petite personne et hautement pédant, sans en avoir les moyens…
- il sait se faire plaindre de sa trop grande quantité de travail et se voit souvent retiré des missions pour le « soulager » par sa hiérarchie.
- il répond souvent à côté de la question en réunion ou – à l’opposé – critique tout, mais ne propose rien.
- arrivé à des responsabilités qu’il ne savait pas occuper, il rame et est dépassé. Plutôt que d’assumer ne pas parvenir à occuper correctement ses fonctions, il le cachera (plus ou moins bien) et essayera plutôt de faire illusion. C’est un écueil de ce que j’appelle la promotion managériale (cf ce billet : https://raphaellecoquibus.com/index.php/2018/10/16/stop-a-la-promotion-manageriale/)
- enfin, l’imposteur peut être séducteur. Ainsi, il userait de ses charmes pour faire de vous ce qu’il ne fait pas lui-même… Il peut pour y parvenir être flatteur pour arriver à ses fins comme : « tu le feras mieux que moi »…
Je tiens à préciser que certains d’entre eux ne sont aucunement conscients qu’ils souffrent d’imposture. En effet, certains ont été ballottés de service en service sans jamais avoir été avisés de leurs manquements. On leur disait que c’était une promotion ou qu’ils y seraient mieux mais on leur cachait les véritables motivations de ce changement.
Ils n’ont donc jamais pu rétablir une posture adéquate… Mais en leur cachant et en procédant ainsi, leur imposture s’est ancrée davantage et renforcée, après vous imaginez le cercle vicieux je suppose…
Pourquoi faut-il faire quelque chose ?
- L’image de laisser travailler un imposteur dans l’entreprise provoque un sentiment d’injustice pour les autres. L’ambiance au travail est dégradée dans le service concerné et cela peut même se répandre. La motivation au travail sera ainsi amputée d’autant et en plus l’imposture peut être contagieuse si les autres ont la sensation d’y gagner davantage qu’à travailler correctement…
- Certains imposteurs commettent des erreurs qui peuvent coûter très cher à l’entreprise : l’incompétence & l’imposture ont des coûts directs et indirects !
- Plus les imposteurs sont hauts dans la hiérarchie, plus les conséquences sont lourdes humainement, financièrement en interne mais aussi en externe. Les prestataires ou clients peuvent soient y être confrontés soient en avoir entendu parler. L’image de l’entreprise sera alors entachée.
Quelles sont les solutions pour vous, collègues ?
Tout d’abord, voici les écueils de base :
Il est important de prendre du recul et de ne pas vous laisser aller à y passer vos nerfs. Ce serait un combat perdu d’avance et de l’énergie perdue.
Vous acharner contre lui le ferai passer pour une victime aux yeux des autres, il serait alors plaint et préservé. Vous auriez donc tout sauf ce que vous attendez… Le précipiter vous serait dommageable.
L’autre erreur régulière est de compenser. En faisant les choses à sa place, ou en corrigeant ses erreurs, vous sauvez certes la qualité de ce qui sort de votre service mais vous le couvrez et, d’une certaine manière, cautionnez son incompétence et accentuez son imposture.
Quelques solutions efficaces à mettre en oeuvre :
Celle-ci peut tenir dans ces adages : « rester à sa place » ou encore « wait and see ».
- Pour ce dernier, la roue tourne ! Laissez la tourner naturellement. Il finira par se retrouver en face de ses responsabilités. j’en connais qui disaient « rendez-vous à la soritie ! « .
- Pour la 1ère, vous n’avez pas suffisamment les moyens de faire autrement. Vous êtes son collègue pas son supérieur. Alors ne sortez pas de vos fonctions, ou sinon, même si vous aviez raison, le fait de vous être immiscé dans la situation vous sera reproché à vous et cela n’irait pas plus loin le concernant. On ne regarderai alors que la forme et non le fonds.
En revanche, vous pouvez (devez !) laisser à chacun ses responsabilités. La vôtre est de réaliser vos fonctions du mieux possible. Les vôtres seulement. En outrepassant les siennes et/ou celles de votre hiérarchie en termes de discipline ou de recadrage, vous allez au-delà de votre charge. En laissant la personne se confronter à ses manquements, elle devra assumer les conséquences de ses manquements. Et c’est ainsi, et seulement ainsi, qu’elle pourra avancer et trouver une posture plus adéquate, en apprenant de ses erreurs.
Cela est d’autant plus vrai si c’est votre manager l’imposteur ! Restez dans vos responsabilités et laissez lui les siennes.
Par ailleurs, les entretiens annuels peuvent être une bonne occasion d’échanger avec votre supérieur direct de la situation d’imposture que vous avez décelée.
Comment pouvez-vous le gérer en tant que manager ?
Si vous êtes manager de proximité, ne le confondez pas à outrance mais relevez ses erreurs et faites-lui en part en face à face. Concomitamment, faites savoir à la direction la situation afin qu’elle prenne également ses responsabilités. Votre feedback doit être objectif et non épidermique. Et le prendre en grippe vous empêcherai de réaliser votre métier de manager correctement. Votre responsabilité est de faire savoir les difficultés internes, c’est votre rôle d’alerte. Passée cette étape, vous n’êtes plus responsable de la situation, sauf à en assurer le suivi. La décision ne vous revient pas.
Si vous êtes un N++…, votre responsabilité est de vérifier ces manquements et soutenir vos encadrants de proximité en mettant des actions en oeuvre :
- tutorat : par une personne pédagogue du service et dont la compétence est avérée et reconnue de tous afin que le tutoré puisse profiter de son aura. Il est évident qu’il faudra donner au tuteur les consignes adéquates à la situation et lui demander un retour de cette période de tutorat.
- formation : en interne ou en externe, mettez un nom sur les compétences à acquérir et chercher le prestataire idéal.
- coaching : selon l’imposture, vous pouvez faire appel à un coach pour l’aider.
- procédure disciplinaire : il n’est pas aisé d’en arriver là mais c’est votre responsabilité. Certains manquements sont des fautes professionnelles préjudiciables et doivent être sanctionnées.
En tant que RH, votre rôle est notamment d’accompagner le manager de proximité et N++… dans leurs missions et leurs actions pour remédier à cette imposture. Les RH doivent être également force de proposition et soutien de l’imposteur ET de la ligne hiérarchique pour permettre à chacun de trouver la solution idéale.
En bref, il y a tant à apprendre des modèles que des imposteurs. L’essentiel étant de reconnaître et de dissocier l’un de l’autre…
RCV
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